jeudi 22 mai 2008

Grapefruit moon

J'pensais écrire un truc ce soir, j'avais acheté de la bière, j'ai des cigarettes...

Et puis je me suis mis un album de Tom Waits, pour me mettre dans l'ambiance...

C'est la classe, pas envie d'écrire, juste envie d'écouter ce mec. Boire. Fumer. Le luxe.

Embrassades sincères




Grapefruit moon, one star shining, shining down on me.
Heard that tune, and now I'm pining, honey, can't you see?
'Cause every time I hear that melody, well, something breaks inside,
And the grapefruit moon, one star shining, can't turn back the tide.

Never had no destination, could not get across.
You became my inspiration, oh but what a cost.
'Cause every time I hear that melody, well, something breaks inside,
And the grapefruit moon, one star shining, is more than I can hide.

Now I'm smoking cigarettes and I strive for purity,
And I slip just like the stars into obscurity.
'Cause every time I hear that melody, well, puts me up a tree,
And the grapefruit moon, one star shining, is all that I can see.

Grapefruit moon, Tom Waits, Album : Closing Times, 1973

lundi 19 mai 2008

"Va com Deus, Irmão !" (suivi de "Bonus vidéo")



-"Va com Deus, Irmão !"


Le premier gars à m'embarquer... Ouch!
-Marche avec Dieu mon pote.


C'est souvent comme ça qu'on me saluait, lorsque je quittais quelqu'un avec qui j'avais passé quelques heures ou quelques jours, à partager la soupe du quotidien, sur la route ("hey cowboy style, quand tu nous tiens").
A force, c'est le genre de petite phrases qui te rendent mystique, pas au sens de la foi en Dieu -je cultive pas ces trucs et j'ai toute ma vieillesse pour ça. Non, au sens de la foi en nous autres, les Hommes, les frères et les sœurs, damnés ou conquérants, tous pareils, splendides loosers bien paumé qu'on est.


Le mec le plus paumé que j'connaisse... Pas méchant, hein, paumé.


Après presque cinq jours de balade, donc, pour relier Brasilia à la côte du Nordeste (c'est beaucoup, c'est ma faute); mon camionneur Saulo, qui m'a pris en stop dans l'état du Piaui (après mon fameux détour de 2000Km) et avec lequel j'ai parcourus pas loin de 1500 bornes, m'apprend peu de temps avant d'arriver là où je pensais arriver (cad : Recife), qu'en fait sa route s'arrête (de poisson) à Campina Grande... C'est la Capitale du Paraiba et c'est surtout 200 km avant Recife, capitale du Pernambouc, Brésil. Et bien sûr, le carnaval que je n'veux louper sous aucuns prétexte, commence... demain.M***E !

Campina Grande est pas belle, perdue dans le désert. Remarque, au milieu d'une mer infinie de terre rouge comme ça avec son architecture des 50's, on se croirait dans l'une des Chroniques Martiennes de Ray Bradbury, elle a au moins ça pour elle.

J'enrage.

Cinq jours de galère et voilà un nouveau pépin. Après un jour et demi de bahut, on arrive dans cette nouvelle citée dont je n'ai jamais entendus parler. En plus le soleil se couche, donc pas le choix : je passe une dernière nuit avec Saulo, Luciano et la Petite. Demain, je dois me lever aux aurores et trouver une bagnole pour aller jusqu'à Recife et sa fête. Mes compagnons me rassure et me certifie qu'il y'aura tout plein de gens pour m'embarquer. Beaucoup de gars de Campina iront passé le carnaval là bas... N'empêche, je vais encore devoir dormir sous un camions dans un hamac. Et ce que je ne sais pas encore, puisque personne ne me prévient (les brésiliens sont les rois des mauvaises surprises, sans conséquences, mais parfois bien lourdes), c'est que cette nuit, la semi-remorque sous laquelle je roupille sera en chargement. En gros y'aura un petit fond sonore pour te bercer, pitit polo... Héhéhé, hin hin hin, arfh, la nervosité en fait...
Je suis exténué et je n'aurais pas droit, pour cette fois encore, à une vraie nuit de repos, dans un vrai lit, plus de quatre heures. Je suis pas marin moi ! Tant pis, je me suis interdit de me plaindre... Mais pas de m'engueuler intérieurement, c'est ça qu'est bien quand tu voyage seul. Quand il y'a un problème personne n'en paye les pots cassés, excepté toi même. Je me connais, j'aurais eu quelqu'un sous la main dans ces moments (nombreux), j'aurais fais des blagues cyniques jusqu'à saturation totale (ce à quoi d'ailleurs je m'auto-soumettait, où comment ne pas savoir gérer ses problèmes par "l'abstraction-du-monde-réel-à-travers-la-méditation-intérieure
-béatifiante-de-la-contempation-des-infinités-de-son-océan-intérieur" ou "cosmo-bulle")...

Une nuit de plus à partager le pain avec mes acolytes de vadrouilles. Eh bien, comme rien n'est inutile, je vais enfin lever le voile sur le mystère de la petite Causette, qu'on à embarqué dans notre voyage. En fait elle n'est pas là pour ce que je croyais au tout début, du moins pas que pour ça. Elle fait aussi la cuisine, nettoie le camion, cajole mon ami le soldadito du bon dieu, Saulo et fait toutes sortes de petites tâches, en y rechignant plus ou moins. En fait, surtout, elle saisie là une occasion de se sortir de son trou sinistre du désert nordestino. Pour trois jours ou pour toujours. Comme dans les films américains, où la petite blonde de l'Alabama quitte son bled pour faire flamber les planches de Broadway, via les zincs cradingues de Détroit.
Elle n'a pas l'air d'en être à son coup d'essai puisque tout les petits trucs qu'elle fait, elle les entreprend d'elle même. Ce dernier soir que nous passerons ensemble, tout les quatre, c'est donc elle qui fais la potée. Pas plus mal d'ailleurs, parce que les pâtes froides aux oeufs et à la graisse de je sais pas quoi, que nous préparaient les gars jusque là, j'en avais un peu marre. Au menu, des haricots et du lard, ça change, je suis content !


-Du beurre ? Oh les mecs fallait pas, c'est trop !


La discussion, qui tourne généralement autour des itinéraires prochains que vont suivre tonton et fiston, vire finalement autour de notre cuisinière... Et ça au gré d'une question que me pose Luciano :

-"Ho, Gaucho (depuis que je suis dans le nord c'est mon surnom, parce que les Gauchos sont blancs aux yeux clairs là bas), quel âge tu lui donne à elle ?" Qu'il me pose comme sèche le vieux.

Alors moi, gentil et surtout parce que la réponse me fait peur, je la regarde, je fais mine de bien réfléchir; Causette à l'air super gênée, elle met sa tête dans ses mains, comme un enfant qui voudrait se cacher...

-"Heu 20 ans, 18 ?" Je réponds, dans l'espoir de dire la vérité.

Eclat de rire de Saulo et Luciano...

-"Mais non, regarde la ! Elle en a pas plus de 15 ! 14 maximum !" Qu'ils me balancent en coeur.

Voilà, on se traîne une gamine, qui travail pour nous, à des centaines, peut être mille kilomètre, je sais plus, de sa maison. Je suis pas choqué, disons que je m'attendais bien à des trucs comme ça. Le problème c'est l'apparente banalité de la situation pour ceux qui m'accompagne et puis surtout la honte bien visible de la fille, elle a pas l'habitude qu'on lui accorde de l'attention et encore moins quand ça vient d'un étranger. Et puis, elle voit bien que je ne trouve pas ça normal, parce qu'elle sait et ils savent tous au fond, qu'on devrait avoir d'autres choses à faire quand on a 14 ans, que de se donner corps et âmes à un camionneur de passage. Mais la vie et la liberté que je déclame partout n'ont pas la bonté d'âme qu'on leur prête souvent. Elles appliquent assez régulièrement, malheureusement, le principe de réalité, plus proche d'un Malthus que d'un Luther King. Cette situation n'a rien d'étonnante, elle d'une triste banalité, mais ce n'est pas pour autant que je l'accepte.


"Causette" et Lui


En tout cas sur le coup, la seule chose que j'trouve à faire, c'est donner autant de petits coup de mains que je peux à Causette et puis lui sourire, lui montrer qu'elle à pas à être gênée de quoi que ce soit. Ça a marché , puisqu'après une nuit des plus pénibles et de trop rapides adieux à mes collègues de route, elle fût la plus insistante pour m'adresser le fameux : -"Ho Gaucho ! Va com Deus, Gaucho !"
Et moi je m'en vais trouver une nouvelle tire, destination Recife.


La route vue du camion




Bonus : Je vous ai jamais parlé de mon premier de l'an à Rio ? Quelques images valent un grand discours, pour sûr !




A la prochaine, mon (ma) pote (pate)!

vendredi 16 mai 2008

Interlude



Un beau texte, éternel, malheureusement



Des armes , des chouettes, des brillantes
Des qu’il faut nettoyer souvent pour le plaisir
Et qu’il faut caresser comme pour le plaisir
L’autre, celui qui fait rêver les communiantes

Des armes bleues comme la terre
Des qu’il faut se garder au chaud au fond de l’âme
Dans les yeux, dans le coeur, dans les bras d’une femme
Qu’on garde au fond de soi comme on garde un mystère

Des armes au secret des jours
Sous l’herbe, dans le ciel et puis dans l’écriture
Des qui vous font rêver très tard dans les lectures
Et qui mettent la poésie dans les discours

Des armes, des armes, des armes
Et des poètes de service à la gâchette
Pour mettre le feu aux dernières cigarettes
Au bout d’un vers français brillant comme une larme





Je sais que Ferré dénonce ici la Peine Capitale, mais ce pauvre homme qui traîne sa maison chaque jours que son Seigneur lui offre, n'est il pas un condamné ?

C'est un spectacle quotidien, ça se passe dans les grandes avenues de Rio, de São, de notre sacro-saint "village mondial".

mercredi 14 mai 2008

Et je t'éxplique même pas pourquoi ce titre si bizarre !


Continuons, j'ai encore tellement de choses à te dire, l'ami.

Je m'excuse, indécrottable que je suis, incapable de finir mes posts quand je les commence ! Hier je te balance un titre de fou, digne des plus beaux films "nouvelle vague" en Chine populaire des 80's et je m'arrête là... J'pouvais pas continuer, j'avais cour.

Pourquoi, "l'impossible deuil ou l'éternel retour"? Pourquoi "tristesse et joie" ou encore "nostalgie et ressentiments" (enfin des trucs comme ça)?

Avant de me lancer dans une explication fouillis et compliquée (parce que peut être n'y a t il pas d'explication à mes effets de style pourris, outre ma médiocrité littéraire), je vais plutôt tâcher de reprendre où j'en étais.

Physiquement, je suis sur la br 220, je fonce sur la côte brésilienne, où le carnaval m'attend. Je suis à bord d'un camion Volkswagon nommé TRACTOR (si si, c'est vrai), aussi neuf que déjà défoncé. Psychiquement, je suis quelque part entre la Road 66 et le Paris/Pékin, paumé mais heureux : je vis un mythe moderne, celui de la liberté de quand on à 20 ans (enfin, 24 en ce qui me concerne, mais on va pas chipoter).
Cette liberté toute neuve, je la savoure, sans en comprendre tout. Il faut du temps pour bien intégrer toutes les contradictions qu'elle implique.
Si j'ai fini mon post d'hier en insistant sur le paradoxe qui émanait de ma situation dans le camion, c'est à dire que j'écoutais un cd qu'on m'avait donné chez les bourgeois brésiliens, alors que j'étais assis dans un camion un peu pérave à côté d'un super prolo brésilien et d'une giga sous-prolo brésilienne; c'est parce que j'avais l'intention de te démontrer comme la liberté se moque des classes auxquels on appartient.
Bien sûr, je sais que si j'avais fais la même chose en étant issus d'un milieu modeste de la paysannerie birmane, je n'aurais sûrement pas traversé tout ces échelons sociaux à la manière d'un passager clandestin. Mais après tout, qui sait ?
Et puis finalement, je préfère idéaliser mon voyage en me disant que n'importe qui peut le faire. Bref, en voilà une drôle d'image que je donne de la liberté : c'est une jolie chose qui se donne à qui veut bien la prendre, pas regardante pour un sous sur la provenance du pékin qui se propose de l'embrasser, à ce titre elle fait peur...

Contexte, toujours, mes acolytes de voyage sont Saulo, le camionneur sympa qui m'a embarqué pour Recife et une jeune fille, qu'on a pris sur la route au milieu du désert... Pourquoi ? Qui est elle ? J'avoue que sur le coup je ne comprend rien à l'attitude de Saulo, qui s'arrête à la fin d'un village perdus du Pernambouc (par village, comprendre deux dizaines de maisons alignées sur une route sans fin au milieu de rien), pour embarquer cette petite nénette...

Première réaction, incrédulité, deuxième acte, méfiance : qu'est ce que Saulo à derrière la tête, on est deux, elle est seule et elle s'embarque pour je sais pas où avec nous. En plus il la tripote quand même pas mal en me regardant genre "tout va bien". Y'a de quoi se poser des questions. D'autant plus que mon chauffeur avait bien brouillé les pistes avec moi, puisqu'il m'avait bien expliqué qu'il était "soldat de dieu" pour l'église "reformiste-néo-évangéliste-du-seigneurs-de-l'apocalypse-des derniers-saints" ou une fadaise dans le genre, comme y'en à des centaines au Brésil...
Alors j'pensais qu'c'était un genre d'enfant de cœur moi, mon Saulo. En plus, le matin même, après une nuit d'attente du tonton de Saulo (hamac sous le camion, temps pipi et frais), j'ai nommé le "senhor" de la route, "O Luciano" qui nous suit avec son camion. Le même Saulo avait vertement condamné son oncle qui justifiait son retard par rapport à nous en éxplicant qu'il s'était envoyer deux frangines dans la nuit (il en était très fier, le poing fermé à mimer ce qu'il avait fait et tout et tout)!


Saulo (à gauche) et Luciano, le tonton. Pause petit déjeuner goût huile de moteur et réparation du boîtier de vitesse de Saulo par un petit matin dégueu. J'ai pris dans la station où on est la pire douche de ma vie, froide et sale, mais pas le choix, ça fait trois jours que j'ai pas senti l'effet du savon sur moi. J'me crois dans "Le salaire de la peur".


Alors bon, j'étais étonné moi que Saulo prenne une petite sur le bord de la route comme ça...

...Et ça continue...

mardi 13 mai 2008

"L'impossibilité du deuil ou l'éternel retour", ou encore "tristesse et ressentiments", ou bien "joie et nostalgie" et caetera, et caetera...



Ouah, ça c'est du titre de post !

C'est genre du sérieux quoi... Et c'est vrai que ça l'est. Ce voyage fait en stop à travers mon nouveau pays fût une autre paire de manche que la "balade" de l'épisode Argentin...

Pour plein de raisons. En un mot, ce treck à travers le Brésil et surtout la manière dont je l'ai fais, aura permis une véritable rencontre entre lui et moi, du moins je le ressens comme ça. Alors tu peux trouver ça un peu présomptueux, je veux dire par là, un peu crâne de ma part; mais c'est la vérité, j'te jure. Je vois plus les choses qui m'entourent de la même manière maintenant. Du moins en ce qui concerne le Brésil; rassure toi : je n'ai pas changé, ou bien ça se voit pas. Disons que j'ai gagné pas mal de "points d'expérience" en peu de temps. J'ai changé de level (comme on dit dans les jeux de rôles sur playstation) ! Juges en par toi même:


Direction Recife
envoyé par plopon

Cette petite vidéo, tu vois, elle est assez représentative de ce que j'éssaie de t'éxpliquer... Voyons voir...

Prenons simplement le contexte, oublions les émotions diverses, qui jaillissent de ces images quand je les regardes.

Après plusieurs jours de galères, je suis enfin dans un camion, direction Recife (du moins c'est ce que je crois - depuis peu j'ai appris à n'être plus sûr de rien). Devant moi la route s'étend à l'infini, il fait beau. C'est la première fois de ma vie que je goûte à cet air nouveau, celui des régions semi-arrides du Pernambouc et du Paraiba et, bien que sur le coup je ne sente pas la différence, aujourd'hui, je pense mieux comprendre l'éxpréssion "changer d'air". Quand on dit ça, mais sûrement le sait tu déjà et peut être est-ce moi qui ne suit pas observateur, on le pense vraiment, l'air change. Pas seulement en chaud ou en froid, il change de goût, il ne dit pas les même choses, ne rend pas les mêmes ambiances : il y a plusieurs airs, comme on est tout plein d'individus propres...
Bref.

La radio chante les même rengaines depuis maintenant presque plus de 24 heures que je suis dans l'engin, avec mon bon ami Saulo qui a daigné m'embarquer un peu dans sa galère et par la même me sortir de la mienne, nous écoutons ces chansons et je les chante presque par coeur maintenant (ou du moins je les ânonnes approximativement). Ce cd que nous écoutons, c'est mon amie Socorro qui me l'a donné, j'ai rencontré cette dame qui s'était prise d'affection pour moi alors que j'étais à Brasilia, lors d'un concert de violon à domicile. Le concert, c'était mon hôte là bas, Thiago, qui le donnait pour une petite troupe de madames. Toutes femmes d'anciens diplomates brésiliens à la retraite, autant dire que j'étais dans "la haute".
Si elle avait eu cinquante ans de moins, ma petite Socorro, p'têt bien qu'une gentille petite amourette aurait pu naître entre nous deux. Non contente de rentrer chez elle pour aller me chercher des cadeaux, elle avait quand même entonnée la chanson "Le Métèque" de Moustaki en mon honneur...
Enfin, quelques jours plus tard, me voilà dans un camion, en train de foncer au milieu de nulle part en écoutant ce son. Mon camionneur en connaît les paroles par coeur (ce sont les grands classiques du carnaval carioca, tout brésilien qui se respecte connaît ça par coeur) mais pas l'origine, un appartement bourgeois de la Capitale Fédérale.