jeudi 17 janvier 2008

Midnight Express

Reprenons le fil en zig zag de mes aventures.

Me voilà donc dans mon beau train patagonique, un chouette lascar de 50 berges. Il sent bon l'époque révolue de la conquête des grands espaces par le chemin de fer.

Oui, pour sûr et qu'on se le dise (j'adore ces tournures; haut les coeurs!).

Nous faisons différents stops dans des "pueblitos" complétement paumés dans le désert. On se demande vraiment ce qu'il peut y avoir à faire ici.
On fait aussi des stops nulle part, en pleine pampa, les problèmes techniques s'enchaînent plutôt bien, ils ponctuent le voyage...
Voyage de plus en plus calme d'ailleurs, le bruit des rails, le soleil se couchant sur les plaines arrides d'argentine, les gens un peu abrutis...

C'est calme.

Mihail et moi décidons de boire quelques bières dans le restaurant, pour faire passer le temps et profiter de ce service, ma foi parfaitement éxotique... C'est vrai que ça dépareille complétement d'avec le paysage lunaire qui nous entoure.
Dans le resto, on fait la rencontre d'une jeune belge d'Anvers. Les étrangers tu les grilles assez facilement dans le décor. S'imaginer pouvoir passer inaperçue ici, c'est imaginer qu'on aurait des super pouvoirs et qu'on pourrait devenir invisible tellement qu'on serait fort -on dirait.

Donc quand tu croise un étranger, au lieu de se regarder en chien de faïence et de se demander "qui c'est çui là ?", autant engager directement la conversation, qui de toute manière est inévitable.
Elle s'appelle Marie, je m'attendais plus à un prénom genre Nickeleck, comme dans Astérix, mais non. Elle aussi, comme moi, voyage seule. On est pas tant que ça en fait, à s'balader en solo. Par contre Madame voyage en seconde classe, parce que selon elle, si tu voyage en dernière classe mais que tu viens bouffer ou boire des bières dans le restos, alors c'est de la triche, t'es comme une sorte de social traître, un jaune quoi... Je ne dis rien en regardant les deux jeunes indiens chanteurs qui sont en dernière -comme nous- et qui picolent tranquilement leur cervoise dans le restos- comme nous. Des traîtres, c'est clair...

En gros, elle me broute déja le ponpon.

C'est une babos -elle sait bien mieux que nous de quoi la vie est faite, c'est comme ça, cherche pas.

Et puis...

Et puis elle fait rien qu'à parler en Anglais. Elle me dira d'ailleurs, toujours en Anglais, qu'elle à passé l'une des plus belles années de sa vie à Toulouse.

Eh ben dis le en FRANCAIS crétine, si tu sais parler français, surtout que Mihail y s'en f*** de Toulouse ! Mais bon, visiblement parler français doit être un peu comme vomir pour elle. A un moment, je commence à lui parler dans la langue de Johnny (qui est belge), qu'elle comprend donc parfaitement. Mais à voir la réaction sur son visage, j'ai dû lui cracher dessus, je sais pas.

Elle m'exaspère, ayé.

Et puis elle engage la discussion sur la séparation de la Belgique :
-"Oh non, il faut surtout pas que la Belgique se sépare!", dit-elle.
-"Mais bon, en même temps les francophones ne travaillent pas...", continue-t-elle de baver dans une mauvaise imitation de ce que peut être la langue de Shakespear.

RAaaaah, lâlâ...

On peut pas être tranquille sur cette planète, je fais le plus beau voyage de ma vie et il faut qu'une Babos nationaliste Flamande vienne m'em*****.
Bon, au final une fois qu'on eût terminer nos bières, Mihail et moi l'avons lâchée, comme une vieille chaussette pourrie. C'est quand elle nous à dit que :
-"La crise en Argentine, ça été une bonne chose pour beaucoup d'Argentins...", que j'ai décidé de m'en retourner dans mes quartiers.

On ne me demande pas pourquoi, hein, j'pense pas qu'ce soit la peine.

Bref, après ce petit interlude fort énervant, parce qu'elle était particulièrement snob avec moi, mais pas avec Mihail, qui lui est américain; je me suis remis à regarder le paysage défiler devant moi, assis sur le rebord du train. Perdus dans mes pensées (pensées : "é-e-s" ou pas ?).

La nuit est tombée, le train file. Pleins phares sur le rideau bleu-violet du ciel, nous sommes la seule lumière à des centaines de milles à la ronde...
Autour, la terre est blanche. Reflets d'argents du désert et sombres immensités s'enchaînent à mesure que le train turbine. Lumières et ténebres en Amérique Latine.

A ce propos, je lis en ce moment un très bon livre que mon frangin Antoine m'a offert il y a de ça un an, "Les veines ouvertes de l'Amérique Latine" d'Eduardo Galleano. Bon gros réquisitoire contres les politiques coloniales de l'Europe puis des Etats Unis dans les pays d'Amérique du sud. C'est pas réjouissant, c'est pas beau comme un char (tant mieux) mais ça éduque pas mal.

Merci frère.

Quoi qu'il en soit, après un long moment à me balader dans le train de l'avant à l'arrière, puis de l'arrière à l'avant et re-re-re-belotte; je me dis que je pourrais me coucher et donc perdre mon temps à dormir.
Ah. Ma place est prise par deux jeunes femmes et leur bambins. Ne pouvant décemment pas les déloger en leur montrant mon ticket, comme certaines odieuses personnes aiment à faire, je me mets en quête de trouver un autre endroit.
Pas facile, il faut bien l'avouer. Mais je finis par me trouver un siège tout confort dans l'ultime wagon du train. Avant, ça devait être une rame de seconde classe ou de première, mais vus l'état de délabrement avancé de la chose, la compagnie à fait une fleure au plus pauvre clients en leur offrant ce wagon, en plus des autres plus craignos encore.

Donc je m'installe, dans le noir, puisqu'il n'y a plus de lumière depuis une bonne trentaine d'années dans cette rame et je commence à m'endormir, content, heureux, suave, déluré.
Il est minuit ou une heure et je ne tarde pas à trouver le sommeil.

Trois heures du mat', réveil un peu rude, ma bouche est pleine de poussière, mes yeux aussi, mes mains, mes cheveux... What the f*** !? Dirait Lady Dee.

J'ouvre les yeux et je me rend compte que quelque chose cloche. Dans le peu de lumière filtrant jusqu'à mes yeux, un nuage de poussière d'une éppaisseure non négligeable, se trémousse.
Mmmhmm, que se passe t'il ici ?
Je me lève, les gens se réveillent aussi, l'air est devenus vraiment plus réspirable ici... Je pars chercher de la flotte, du côté wagon restaurant; sur le chemin, je me rend compte que c'est toute la classe touriste qui est bourrée de poussière mais que, dans les autres c'est bien mieux.
Les portes latérales du train, depuis lesquelles je regardais le paysage tout à l'heure son toutes fermées; je sais il faut pas être physicien nucléaire pour comprendre qu'à priori, la poussière vient de dehors... Mais quand on est un peu dans le sac, comme moi à ce moment là, on se demande quand même plein de trucs, genre :-"Mais d'où c'est qu'ça vient toute cette @**##§§ de poussière de §§£µ% !?"

Je suis pas physicien nucléaire, c'est sûr. Donc, en tant que pas physicien, mon reflexe fût d'ouvrir une porte de dehors, pour voir...

WOUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUSSSSSSSSSSSSHHHHHHHHHH!!!

Doux petit bruit à mes oreilles de mec pas réveillé, accompagné d'une bonne dizaine de kilos de poussière instantanément infiltrés par la bouche et le nez jusqu'au fond de ma gorge...

C'est un vrai régal.

L'éxplication était donc simple. Inutile si j'avais été plus fin de faire "l'éxperience de la porte" : on traverse juste une tempête de sable ou plutôt de poussière...
Voilà.

Renseigné sur l'origine de mon désagremment, je décide donc de retourner me coucher... En vain,evidemment, une fille a pris ma place. Je commence à mieux comprendre le petit jeu du "qui va la chasse perd sa place" qui règne dans ce train... Et inutile de tenter un"qui va la pêche le repêche" avec les gens du coin, cette règle n'éxiste pas.

Ok ok.

Alors bon, il est trois heures et demi, je vais me boire quelques bières de plus, il n'y a de toute façon plus aucune place pour dormir, sauf dans les W.C... Si si, certains braves y ont plantés leur quartiers. Avec l'odeur regnante, je leur dit chapeau.
Bref, je me mets à passer le temps avec quelques uns au bar. Je m'assois à une table avec d'autres Argentins qui eux aussi boivent, faute de place pour dormir.

J'attend, on parle peu, je fais plusieurs allers-retours entre mon wagon et le restos, des fois qu'une place se libèrerait...
Finalement, à cinq heures du mat, je trouve un siège de libre. Cool, je vais pouvoir dormir au moins trois heures !

Mais non, même pas ! Le destin, quand il décide de rigoler un peu avec toi, il fait généralement pas semblant. Ben oui, manque de bol, dans mon wagon il y a... une colonie de vacance !

HAHA ! C'est génial !

La poussière les a complètement réveillés et maintenant ils jouent aux fantômes ! Alors avec leur couvertures sur la tête, les gamins font "wouhOUOuuouuhouoOUUuu"...
Pour dormir je vous le conseil, c'est très reposant et ça ne tape du tout sur les nerfs.

Les chicos et les chicas vont jouer à ça le restant de la nuit, siempre.

Mais rassurons nous, même dans ces conditions, on peu dormir, je l'ai fait. Ca rassure hein ?
Au petit matin, mon poteau Mihail me réveille, celui-là, je sais pas comment, mais il à réussis à écraser toute la nuit, à la manière d'un phoque un peu. "Respect", donc.

Il doit être huit heures du mat' et nous voilà arrivés à "San Antonio de je sais plus quoi"...
On est sur la côte. Le soleil brille.

Comme prévus, Mihail et moi cherchons, puis trouvons, un bus pour aller à Las Grutas, station balnéaire assez prisée des Argentins, bien que toute petite. Mais c'est pas loin.
Une fois arrivés, fort fourbus de notre voyage en "galaxie express", nous sommes un peu déçus par la carte postale. Las Grutas c'est mignon mais pas transcendental.

Et puis ça fait un peu mort, le désert derrière, la mer devant, c'est beau, mais si en plus t'y ajoute une ville sans aucune activité humaine... ça fait un peu fuir.

Ce que j'ai fait.

Je me dis que je ne vais pas passer la journée là, je ne suis plus très loin de Puerto Madryn et des baleines, moi j'y vais. J'essaye mollement de convaincre Mihail de me suivre et de continuer l'aventure; mais bon, disons que c'était un bon copain pour la montagne, pour la mer il à l'air moins frais...
Au final on se dit au revoir, embrassades, "t'es super dude, reste comme t'es !", "non c'est toi qu'est super", "non, toi", "t'es mon homy maintenant"...etc...

Finalement on se quitte ici, sous le soleil blanc et le ciel bleu, les couleurs du drapeau argentin, claires. On se sépare là, dans une petite ville côtière que personne ne connaît et dans laquelle il'y a de grandes chances que ni moi, ni lui, ne remetions jamais les pieds.
Dans ces moments là, tu te demande ce que tu fais exactement, comme ça, nulle part. Et en fait tu ne sais trop ni quelles questions tu te pose, ni pourquoi tu essaye de te les poser.
Alors t'abandonne et tu te laisse porter, la vie c'est des coup de vents qui soufflent dans tout les sens, nous, on est des cerfs-volants.

"Saudade", comme disent les brésiliens, nostalgie mélancolique et douce, heureuse et amère...



Tout ça à la fois... Presque trop, en fait.

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